Quelle est la vie des soldats au front ?

Questions :
Doc 1 : quel est le résultat d'une attaque ? Quelle image ce texte nous donne-t-il de la guerre ?
Doc 2 : quel est l'état psychologique des combattants ?
Doc 3 : quelles sont les difficultés de la vie quotidienne ?
Doc 4 : relève la phrase qui évoque une mutinerie. Pourquoi les soldats se mutinent-ils en 1917 ? Pourquoi cette lettre a-t-elle été saisie par le contrôle postal ?
Synthèse : à l'aide des informations tirées des documents, rédige un paragraphe argumenté qui présente la vie des soldats au front.
 

Document 1 :
Feu roulant, tir de barrage, rideau de fer, mines, gaz, tanks, mitrailleuses, grenades, ce sont là des mots, des mots, mais ils renferment toute l'horreur du monde. Nos visages sont pleins de croûtes notre pensée est anéantie ; nous sommes mortellement las. Lorsque l'attaque arrive, il faut en frapper plus d'un à coups de poing pour qu'il se réveille et suive (...).
Sont-ce des semaines, des mois ou des années qui passent ici ? De simples journées. Nous voyons le temps disparaître à côté de nous sur le visage des mourants. (...)
Nous voyons des gens, à qui le crâne a été enlevé, continuer de vivre ; nous voyons courir des soldats dont les deux pieds ont été fauchés ; sur leur moignons éclatés, ils se traînent en trébuchant jusqu'au prochain trou d'obus ; un soldat de première classe rampe sur les mains pendant deux kilomètres en traînant derrière lui ses genoux blessés ; (...) le soleil se lève, la nuit arrive, les obus sifflent ; la vie s'arrête.
Cependant, le petit morceau de terre déchirée où nous sommes a été conservé, malgré des forces supérieures et seules quelques centaines de mètres ont été sacrifiées. Mais pour chaque mètre, il y a un mort.

Erich Maria Remarque, A l'Ouest rien de nouveau, 1928.

 

Document 2 :
Nous sommes devenus des animaux dangereux, nous ne combattons pas, nous nous défendons contre la destruction. Ce n'est pas contre des humains que nous lançons nos grenades, car à ce moment-là nous ne sentons qu'une chose : c'est que la mort est là qui nous traque, sous ces mains et ces casques. C'est la première fois depuis trois jours que nous pouvons la voir en face ; c'est la première fois depuis trois jours que nous pouvons nous défendre contre elle. La fureur qui nous anime est insensée ; nous ne sommes plus couchés, impuissants sur l'échafaud, mais nous pouvons détruire et tuer, pour nous sauver... pour nous sauver et nous venger.
Repliés sur nous-même comme des chats, nous courons, tout inondés par cette vague qui nous porte, qui nous rend cruels, qui fait de nous des bandits de grand chemin, des meurtriers et, si l'on veut, des démons. Cette vague qui multiplie notre force au milieu de l'angoisse, de la fureur et de la soif de vivre, qui cherche à nous sauver et qui même y parvient. Si ton père se présentait là avec ceux d'en face, tu n'hésiterais pas à lui balancer ta grenade en pleine poitrine.

Erich Maria Remarque, A l'Ouest rien de nouveau.

Document 3 : les difficultés de la vie quotidienne
La boue
" Très curieux, la tranchée. On est stupéfait de découvrir ces kilomètres de ruelles, si étroites que les bords du sac, le bidon, les musettes et les manches y frottent et y cognent. Quelle vie ? La boue, la terre, la pluie. On en est saturé, teint, pétri. On trouve de la terre partout, dans ses poches, dans son mouchoir, dans ses habits, dans ce qu'on mange. C'est comme une hantise, un cauchemar de terre et de boue, et vous ne sauriez avoir idée de la touche que j'ai : mon fusil a l'air d'être vaguement sculpté dans la terre glaise. "
H. Barbusse, Lettres à sa femme.
La nourriture
Truffau apporte la nourriture des cuisines situées à l'arrière du front.
" On est crevé, on n'en peut plus. Pas de café, on a chaviré en route. Ils ne protestent pas, ils savent que tout est misère dans ce monde de misère. Ils remplissent leurs gamelles et mangent silencieusement leur ratatouille froide -boeuf bouilli, pommes de terres vinaigrées- en cherchant à se préserver de l'eau et de la terre ; mais ils ont les mains glaiseuses, et le pain qu'ils ont touché crie sous leurs dents. "
P. Truffau, Carnet d'un combattant, Payot, 1917.
Les rats
" Les rats sont ici particulièrement répugnants, du fait de leur grosseur. C'est l'espèce qu'on appelle "rats de cadavres". Ils ont des têtes abominables, méchantes et pelées, et on peut se trouver mal, rien qu'a voir leurs queues longues et nues.
Ils paraissent très affamés. Ils ont mordu au pain de presque tout le monde. Kropp tient le sien enveloppé sous sa tête, mais il ne peut dormir parcequ'ils lui courent sur le visage pour arriver au pain. Dans le secteur voisin, les rats ont assailli deux gros chats et un chien qu'ils ont tués et mangés. "
Erich Maria Remarque, A l'Ouest rien de nouveau.

Document 4 :
Nous avons refusé de monter en ligne, nous n'avons pas voulu marcher, et beaucoup d'autres régiments ont fait comme nous. (...) Ils nous prennent pour des bêtes, nous font marcher comme cela et pas grand-chose à manger, et encore se faire casser la figure pour rien ; on aurait monté à l'attaque, il en serait resté la moitié et on aurait pas avancé pour cela. Peut-être que vous ne recevrez pas ma lettre, ils vont peut-être les ouvrir et celles où on raconte ce qui se passe, ils vont les garder ou les brûler...
Moi je m'en moque, j'en ai assez de leur guerre...
Lettre d'un soldat de la 7ème compagnie du 36ème régiment d'infanterie conservée au contrôle postal.